Les fleurs sauvages de Holly Ringland – Un roman sur la floriographie – Critique et extraits

« Les fleurs sauvage » de Holly Ringland est un superbe roman australien où les fleurs sont les messagères des mots/ maux que l’on ne peut pas exprimer.

L’histoire :

Alice Hart, neuf ans, vit à l’écart du monde au bord de l’océan, s’occupant du jardin avec sa mère et son chien.. Si elle aime se plonger dans ses livres, sa vie est pourtant bien loin du conte de fées, son père colérique bat sa mère et elle-même subit ces violences imprévisibles.

Lorsqu’un incendie change à jamais sa vie, Alice se réfugie dans le silence et se retrouve à vivre chez sa grand-mère June qu’elle n’a jamais connue. Celle-ci tient une ferme horticole où elle cultive des fleurs sauvages d’Australie. Dans ce lieu refuge, une douzaine de femmes, les « Fleurs » vivent en essayant de se reconstruire, de s’entraider.

Au fil du temps, Alice va apprendre à utiliser le langage des fleurs pour remplacer les mots lorsqu’ils se font trop douloureux et ainsi perpétuer la tradition familiale. Mais l’histoire des Hart est hantée par de nombreux secrets que June cache à sa petite-fille. Une sorte de fatalité semble accabler les femmes de leur famille, aussi June préfère-t-elle tenir Alice à l’abri de la vérité, quitte à la tenir à distance de l’amour.

Une fois adulte, révoltée par ce silence et trahie par celles qui lui sont le plus chères, Alice se rend compte qu’il y a des histoires que les fleurs seules ne peuvent raconter. Si elle veut être libre, elle doit partir et inventer l’histoire la plus importante de toutes : la sienne…

Mon avis :

Les fleurs sauvages est un roman que j’ai beaucoup aimé, c’est un parcours initiatique aussi bouleversant que poétique et dépaysant.

Tout d’abord l’écriture est belle, les mots sont doux et lumineux face à des sujets parfois sombres. J’ai aimé cette délicatesse que les fleurs apportent à l’histoire, leurs importances, leurs présences réconfortantes.. Holly Ringland a une plume sensible qui retransmet facilement les émotions.

Ce roman c’est l’histoire d’Alice que l’on suit sur plusieurs années, mais de toutes ces générations de femmes, souvent blessées mais fortes et courageuses.

« Les fleurs sauvages » traitent des thèmes comme la résilience, les secrets de famille, l’emprise, les non-dits, le mutisme.

J’ai aimé les nombreuses descriptions où l’on se retrouve immergé dans les contrées sauvages d’Australie, allant des plages de l’océan au désert et sa terre de sang. On pourrait dire que c’est un récit de vie contemplatif, car on voyage facilement dans ces paysages variés, tout au long de l’histoire. Il y a aussi tous ces contes et ses légendes que l’auteure nous fait découvrir, ce qui apporte comme une touche de magie à l’ambiance.

Au-delà de l’histoire, ce livre est une œuvre unique qui, tel un herbier, comporte en chaque début de chapitre l’illustration d’une fleur ou plante, avec sa description et signification. Ses fleurs font ensuite partie intégrante du récit et viennent trouver une place dans la vie des personnages, elles transmettent leurs messages, aussi durs que beau, accompagnent, apaisent.

En tant que créatrice de bijoux floraux, je n’ai pu qu’être émerveillée de retrouver en roman un personnage qui fabrique aussi ces bijoux de fleurs en se servant de la floriographie, cet art de s’exprimer grâce à la significations des fleurs.

Ce premier roman pour Holly Ringland est une belle réussite qui lui vaut son prix des lecteurs 2020,  ainsi qu’une adaptation en série sur amazon prime prévue pour aout 2023 !

Pour ma part, ce fut « presque » un coup de cœur, presque, parce que des passages m’ont moins plu vers la fin. Mais l’ensemble est tellement beau que je garde vraiment un beau souvenir de lecture touchante, où l’on savoure chaque mot comme autant de fleurs enivrantes !

Meilleurs Extraits et citations du roman  « Les fleurs sauvages » :

Pour elle, d’après les descriptions d’Agnès, une bibliothèque était un calme jardin de livres, où les histoires poussaient comme des fleurs.

Le nouveau poème descendit des étoiles, la cherchant comme le faisaient la plupart de ses poèmes. Il roula par-dessus les dunes de sable et voltigea à travers le pays de sa mère, apportant terre, fumée, amour et chagrin.
Ce sont les graines qui nous lient
Et portées par le vent nous séparent
Le vent vient-il des origines
Du père ou de la mère
Mes orignes iront-elles au gré du vent
Ou resteront-elles au loin si je pars
Le vent retiendra-t-il son souffle
Resterai-je ici pour mourir loin de chez moi

À Son grand étonnement, certains aspects du désert lui apportaient un tel réconfort qu’ils lui semblaient presque avoir un pouvoir médicinal. Le rouge feu de la terre, l’émotion qu’elle ressentait quand elle la prenait dans ses mains, aussi douce que de la poudre. Le chant mélodieux des oiseaux. La lumière au début et à la fin de chaque jour. Le vent chaud, le bleu-vert argenté des feuilles d’eucalyptus, le ciel infini, diapré de quelques nuages et, par-dessus tout, les fleurs sauvages qui poussaient dans le lit de la rivière, parmi les racines et les pierres. Alice avait commencé à les cueillir et les presser dans un cahier sans s’avouer que c’était la présence familière des fleurs qui lui apportait le plus grand réconfort.

Les rayons du soleil traversaient les cimes des arbres, dessinant des taches de lumière à ses pieds. Les criquets et les oiseaux-cloches chantaient à l’unisson, accompagnés parfois par le coââ-coââ d’une grenouille arboricole. Alice regarda au-dessus d’elle les troncs noueux des eucalyptus, écouta le chuchotement des branches et des feuilles dans le vent. Les papillons monarques virevoltaient au-dessus des buissons de coton sauvage. Elle observa les rochers couverts de lichens, les crosses chevelues des jeunes fougères arborescentes, et les tapis odorants de fleurs sauvages pourpres. L’air sentait la terre sèche, la vanille et l’eucalyptus. Elle avait presque oublié pourquoi elle était là jusqu’au moment où elle l’entendit. Elle s’immobilisa et écouta. le bruit ténu, mais reconnaissable entre mille ; l’eau l’appelait aussi clairement que si elle avait été la voix de sa mère. Alice s’élança vers la rivière, ses cheveux flottant derrière elle.

Les contes de fées lui avaient appris qu’en matière de famille les choses n’étaient pas toujours ce qu’elles semblaient être. Les rois et les reines perdaient leurs enfants comme on perd de vieilles chaussettes, ne les retrouvaient pas avant qu’ils soient devenus très vieux, si toutefois ils parvenaient à les revoir. Les mères pouvaient mourir, les pères disparaître, et sept frères se transformer en sept cygnes. Pour Alice, la famille était une des histoires les plus étranges.

Tu ne trouves pas cela magique, Alice ? Les fleurs que nous cultivons disent les mots que les gens ne peuvent pas prononcer, dans à peu près toutes les circonstances imaginables.

Alice flottait dans une rivière. Une rivière d’étoiles. Elles coloraient sa peau d’un vert argenté. Couchée sur le dos, elle les regardait descendre en pluie du ciel nocturne. Certaines restaient prises dans les plus hautes branches des eucalyptus qui se profilaient dans la nuit. D’autres étaient coincées dans ses cils et entre ses orteils. Elle en avala quelques-unes. Elles avaient un goût agréable et frais. Elle en prit une poignée, surprise par leur légèreté, et les disposa soigneusement autour d’elle. Un cercle d’étoiles. Au centre duquel rien ne pouvait l’atteindre.
Elle toussa en reprenant conscience, croyant cracher des étoiles.

Sur le chemin une larme splendide
Est tombée du calice de la fleur de la passion.
Elle vient, ma colombe, ma bien-aimée ;
Elle vient, ma vie, mon destin.
La rose rouge crie :
« Elle s’approche, elle s’approche. »
Et la rose blanche pleure : « Il est bien tard. »
Le pied d’alouette écoute :
« Je l’entends, je l’entends. »
Et le lys murmure : « J’attends ».

Alfred, Lord Tennyson

Ce doit être un véritable fardeau d’être incapable de dire à quelqu’un ce que vous souhaiteriez qu’il sache, parce que vous avez la trouille de plonger au fond de vous-même pour déterrer une histoire impossible à réécrire

À une extrémité de la table était tendue une pièce de velours, couverte de bracelets, de colliers, de boucles d’oreilles et de bagues, tous décorés de fleurs emprisonnées dans la résine. (…)
« Elle met sous presse chacune d’entre elles, puis la coule dans de la résine transparente, avant de la sertir d’argent. » (…)
Alice contempla l’arc-en-ciel de couleurs des autres fleurs enchâssées dans les colliers, boucles d’oreilles et bagues. Chacune était à jamais scellée ; figée dans le temps et pourtant colorée à vie. Elle ne noircirait jamais, ne tomberait jamais en poussière. Elle ne mourrait pas.

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