Le roitelet de Jean François Beauchemin – Avis lecture

livre le roitelet

Aujourd’hui je vous présente le roman Le roitelet de Jean François Beauchemin aux éditions Folio  🐦

Un roman tendre et poétique sur une relation fraternelle bienveillante au delà de la différence.
 
L’histoire :
Un homme vit à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Depuis l’enfance, il partage aussi son quotidien et ses questionnements, sensibles et profonds, avec son frère cadet, schizophrène. 
 
« Il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, régnant sur un pays de songes et de chimères. »
 
Mon avis :
La lecture du Roitelet à été comme une lente balade inspirante dans la vie de ces deux frères. A travers de très courts chapitres, l’auteur nous livre ses souvenirs, ses inquiétudes et ses espoirs, comme le serai un journal intime. On ne peut être que touché par cette fraternité si essentielle au jeune « roitelet » mal adapté à la société. Puis bercé par les réflexions brillantes de cette être jugé différent mais si riche intérieurement.
 
J’ai été page après page transporté par la délicatesse du récit qui vient envelopper la souffrance de la maladie. Émerveillé par l’ordinaire, une existence simple à la campagne, la place du chien si précieuse, tout en évoquant des pensées plus profondes.
 
C’est intéressant d’avoir un récit qui aborde une maladie mentale, avec toute sa complexité, mais surtout on ressent vraiment toute la beauté et l’intelligence qui s’en dégage, et le roman n’en devient pas difficile, mais juste beau. Lumineux.
 
Ce n’est pas un livre avec beaucoup d’actions mais plutôt une exploration de l’âme humaine. Un récit de vie qui a du sens. 
 
Vous connaissez ce roman ? il vous donne envie ?
 
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Meilleurs Extraits et citations de Le roitelet :

« La poésie n’est pas un genre littéraire, elle est l’expérience de la vie par l’esprit, le pressentiment aveuglant que l’existence même la plus fragile la plus diminuée ou la plus impuissante vaut la peine qu’on s’y intéresse vraiment. »

« Le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l’existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer. Je tente comme je peux de me glisser avec lui dans cette ouverture, mais n’y parviens jamais qu’à moitié : les épaisses ténèbres que j’y rencontre m’empêchent de me mouvoir librement, et me forcent à rebrousser chemin. »

« Je ressortais mes livres, retrouvais avec une espèce de joie perdue les grands paysages mélancoliques de Gabrielle Roy, les inquiétantes et profondes forêts de Charles Baudelaire, renouais avec le prudent pragmatisme de Montaigne. Je me rappelais avoir souffert, et qu’à l’époque ces gens-là m’avaient guéri, en quelque sorte.
J’espérais secrètement que les livres aient sur mon frère le même effet bénéfique qu’ils avaient sur moi. C’était difficile à dire. Je ne sais trop comment ni pourquoi, les poètes l’aidaient à vivre. Mais la mélodie que j’entendais dans la littérature ne semblait pas plus arriver à ses oreilles qu’à son esprit. On aurait dit que, pour lui, les mots écrits étaient des mains qui tâtonnent dans I’obscurité. Puisque, à cause du docteur Dumontier, c’était par les mots qu’il était véritablement entré dans le malheur, peut-être cherchait-il, par eux aussi, à en sortir au moins un peu. »

« C’était en somme sa façon de se soigner : non pas en éliminant sa peur, mais en l’alimentant au contraire, et en fournissant en combustible ce feu qui de plus en plus le dévorait, parce que le laisser s’éteindre aurait signifié l’avalement définitif et unilatéral de son cœur par le grand incendie du Monde. »

« Nous quittions notre chambre pour aller passer de longs moments couchés dans les champs, à suivre la trajectoire des astres, à dessiner dans nos cahiers la courbe elliptique de l’un ou l’autre corps céleste, à cartographier ce firmament dont le mystère nous éblouissait et nous laissait pour ainsi dire suffoqués de bonheur.

« Une truite fut au bout d’une heure tiré de l’eau. Le chat l’observa un instant se tortiller au fond du bateau, puis s’en détourna. Je sentais que le spectacle de la montagne, à présent éclaboussée de rayons solaires, l’inspirait davantage, alimentait son esprit sans cesse hanté, ému, rieur, indigné, traversé par le doute et, surtout, imprégné de l’intense joie de celui qui ne s’habitue pas à l’inexplicable splendeur de ce Monde. »

« Souvent, je m’enferme chez moi à double tour et je me cache sous les draps. Les voix terribles que j’entends dans ma tête, et les visions qui m’apparaissent, continuent pendant des heures. Toi, si tu es pourchassé par un malfaiteur, tu as toujours la possibilité de courir te mettre à l’abri. Moi je ne le peux pas. Le malfaiteur est dans mon cerveau et je ne peux pas m’enfuir. »

« J’ai connu un type, autrefois, commença-t-il, qui souffrait d’un mal étrange. Chaque fois que la pluie tombait, il devenait sourd. Je crois que le mal dont souffre ton frère est de la même famille que celui-là. C’est trop demander à son extrême sensibilité de vivre dans ce monde orageux, plein de grisaille et de crachin. En un sens, ton frère se bouche les oreilles et regarde ailleurs. Si tu veux l’aider, regarde dans la même direction que lui. »

« Je crois (…) que la société tente de m’avaler à partir du dedans. Quand ce sera fait, je m’effondrerai aussi sûrement qu’une maison privée de sa charpente. Car à quoi diable s’appuyer lorsqu’il n’y a plus rien en soi-même, et que tout le reste menace de céder sous le poids écrasant du regard d’autrui? »

« Peut être est-ce quand on n’a plus d’espoir qu’il ne faut désespérer de rien. »

« Je me disais que je ne serai pas toujours là pour m’émouvoir de la secrète réverbération du ciel, du tranquille balancement d’un arbre, du calme rassurant d’un visage ou de la beauté d’une page. Ce que j’aimerais, c’est continuer à vieillir de cette façon en définitive si humaine. Je veux dire : toujours à la périphérie de la joie et de la peine, l’une se déversant dans l’autre et réciproquement, en quelque sorte. »

« Si, aux turbulences de la foule, j’ai presque toujours préféré les remous de l’être, c’est sans doute justement parce que je sentais que le puits des premières s’alimentait à la source des seconds. Et c’est pourquoi la présence de mon frère à mes côtés m’est si précieuse. J’y redécouvre jour après jour ce débordement de l’âme qui précisément éclabousse ma vie. Ça n’est pas que l’âme de mon frère soit spectaculaire. Mais ce qui me plait, c’est qu’elle cherche un passage vers le jour. Les oiseaux aussi font cela. Dans les derniers instants de la nuit, à l’heure du dur combat entre l’ombre et la lumière, ils s’envolent des nids et partent à la rencontre du soleil, comme pour en précipiter la venue. »

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